levieuxfossile

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Indignation

Il est prouvé que l'agriculture mondiale peut nourrir sans problème douze milliards d'individus. Autrement dit, chaque enfant qui meurt de faim est en fait assassiné.

Ce qu'assène Jean Ziegler est vrai. Pourtant, chaque jour, cent mille personnes meurent de faim. C'est que l'homme est incapable de s'entraider. Nous-mêmes, que faisons-nous ? Quand nous lisons, cent mille personnes nous impressionnent moins que douze milliards. Alors nous ne faisons rien. Ces chiffres-là nous paraissent irréels. Campagne riante et lumineuse pour certains, attrait des magasins qui proposent surabondance de biens pour d'autres, loisirs, vacances, notre horizon immédiat agit comme un voile pudique.

Dans l'hémicycle de notre Assemblée, les OGM sont devenues les proies de nos antagonismes politiques. C'est à qui dénoncera avec conviction, pollution, fauchage, principe de précaution, nécessité économique, en échangeant clameurs, menaces, noms d'oiseaux , passage en force et commissions législatives.

Mais qui se soucie des populations prises en otages par les semenciers internationaux ? Quand on plante un grain de riz, on en récolte quatre. Trois servent à la vie économique, le quatrième est replanté. Ainsi se poursuit le cycle.

Aujourd'hui on plante un Monsento et l'on récolte des larmes. Les trois grains manquent pour acheter un nouveau grain de toute façon stérile. Et c'est soit la famine, soit l'endettement, soit le suicide. Merci Monsento ! Quant à nos députés et sénateurs, ils n'ont pas encore pensé à cela. Ou bien ils s'en moquent. Chez nous, la baguette de pain nourrit la plupart de nos concitoyens. La plupart…

En Birmanie, les généraux doivent être des foudres de guerre, des puissants, des intouchables. . ONU, FAO, gouvernements « souverains » n'osent pas  appeler un chat, un chat. Ils tentent de dialoguer, tergiversent, établissent des tables rondes avec des sous généraux birmans autour de tables gourmandes en sirotant des rafraîchissements. Le temps passe… loin des gémissements des populations touchées par le fléau, loin des épidémies, loin des morts pourrissant, des agonisants, des blessés, des sinistrés. Respect des dictatures, des juntes militaires, des escrocs et des criminels. Il suffirait d'un simple revers de bras pour chasser cette vermine, mais plus on est puissant plus on est paralysé. Car pour établir sa puissance, il faut festoyer à tous les râteliers.

En Iran, on poursuit les ba'istes, on les enferme, on les persécute, on détruit leurs biens. Mais de quel crime les accuse-t-on ? Née au XIX siècle en Iran,  cette religion, le bahaisme, basée sur la succession du prophète, se nourrit de tolérance et de pacifisme. C'est probablement ce qui déplait aux autorités iraniennes.

Je souviens de la foire aux livres à St. Louis, en Alsace, l'un des plus importants salons du livre en France, dont les organisateurs  avaient refusé de présenter mes livres sous un quelconque prétexte. La vérité était que je ne faisais pas partie du puissant sérail des noms en vue dans le microcosme littéraire. Je n'étais pas médiatisé. Dépité j'allais abandonner tout espoir de dédicacer quand les baha'istes, qui louaient un stand pour présenter leurs propres publications, m'ont spontanément offert de signer en leur emplacement. Rien n'a été négocié, aucune condition n'a été imposée, aucun embrigadement ne m'a été soufflé, la simple générosité du geste et du sourire justifiait l'attitude des responsables. Une leçon !

Les hommes ont le goût du sang, en particulier celui des agneaux sans défense. Une pensée profonde et respectueuse, hélas sans poids, pour les baha'istes d'Iran.

Et j'en reviens au temps qui passe dans la paix bucolique de l'Emprière, loin de la fureur des hommes. Si je m'abstenais de prendre connaissance de l'actualité, je vivrais heureux, hors du temps.  Devant la maison, sous les aulnes qui bordent la rivière, il est un replat où j'aime m'asseoir, méditer. Et le murmure du douet accompagne mes pensées. Mieux que cela : il me permet d'entrer « en pensée ». C'est en cet endroit que la paix s'établit. Mais c'est également en cet endroit que les maux du monde ressurgissent  alors que le bruissement du feuillage, le chant des oiseaux,  concourent à tout oublier. Viennent alors les mots pour coucher ma sédition sur papier.

            Dieu n'est pas loin. Il est dans le gazouillis des oiseaux, dans le chuchotement de la rivière. Il se tient dans les ramages qui me font toit, il est là-haut, dans les nuages cotonneux qui passent et qui tournent autour de la terre et qui se désagrègent. Dieu n'a pas inventé l'homme, il a inventé la matière. Et la matière a donné l'homme. C'est après que tout se gâte.

Ca, c'est ce que je pense quand je suis en paix.

Mais quand les nouvelles du monde m'assaillent, je me dis « Bon Dieu ! Mais qu'as-tu fait ? »

Parfois, et même souvent, péché d'orgueil, peu importe, je me dis qu'il m'a donné l'art de la plume pour porter mon indignation, mon insurrection ! Que l'encre soit une faux pour trancher la misère, l'injustice, l'intolérance. Cependant, le pamphlet écrit, qu'en faire ?

Comment agir ? Et le cri, l'élan de révolte devient désespoir. Lui rappeler son infortune, ça n'amuse pas les foules, elles préfèrent l'anesthésie. Anesthésie sous silence.

 

 

 



04/11/2009
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